En 2015 éclate « l’affaire Volkswagen ».
Le groupe Volkswagen1 est accusé d’avoir menti, via divers artifices,
sur les taux d’émissions réels de CO₂ et de NOx2 de ses véhicules.
Petite histoire de la triche :
Dès l’origine de l’automobile moderne fin 19ᵉ, début 20ᵉ siècle, afin de se faire de la publicité, les constructeurs automobiles organisaient des concours et des courses de vitesse. Les courses de vitesse classiques, telle que nous les connaissons aujourd’hui, dans lesquelles le premier arrivé gagne. Mais existait également des concours de consommation de carburant où la voiture ayant fait le plus de tours de circuit en ayant consommée le moins d’essence l’emportait. L’essence étant à l’époque beaucoup plus taxée et donc beaucoup plus chère qu’aujourd’hui, gagner un concours de consommation était tout aussi prestigieux et stimulant pour les ventes que finir une course en tête.
La très forte concurrence sur ce marché émergeant qu’était alors l’automobile (plus d’une centaine de constructeurs rien que pour la France) poussait les participants au vice. Si bien que certains résultats de concours laissaient rêveur. Certains gros véhicules pointaient à des taux de consommation de 1 litre aux 100. Une voiture aurait même, un jour, terminé un concours avec plus de carburant qu’au départ. Les huissiers et les commissaires de course étaient évidemment corrompus par les constructeurs et remplissaient les réservoirs au moment des contrôles de fin de course.
Histoire du Diesel aux USA :
Croyez-le ou non, les États-Unis étaient, dans les années 60-70, assez en avance sur le reste du monde quant à leur législation environnementale. Suite à de nombreux mouvements sociaux consécutifs, et, entre autres, à plusieurs épisodes graves de Smog (brouillard de pollution), les autorités fixent un taux maximal d’émission de NOx assez bas pour disqualifier toute introduction d’un moteur diesel dans le pays. Les moteurs diesels se distinguant des essences par leur fortes émission de NOx.
Pendant ce temps, l’Europe et le Japon s’équipent en masse de moteurs diesels en raison du choix fait de produire l’énergie via le nucléaire ce qui augmentait les réserves de fioul disponibles. Mais le diesel japonais connu un fort discrédit dans les années 90 suite à un procès retentissant, perdu par les constructeurs, à propos des risques sanitaires de ce carburant. Ce qui fait qu’aujourd’hui, seule l’Europe dispose d’un parc automobile si massivement doté en moteurs diesels (61,6 % pour la France en 2017).
Mais dans les années 2000, avec le développement des filtres à particules et des systèmes de traitements des NOx, les constructeurs caressent le rêve de passer les tests d’homologations états-uniens et de proposer leurs véhicules diesels à l’énorme marché américain. La taille du gâteau est telle que tous les constructeurs, Volkswagen en tête, focalisent leurs investissements dans cette direction pour être les premiers à se tailler la plus belle part.
C’est de ces circonstances qu’émergera le scandale du « dieselgate ».
Le dieselgate
Si l’affaire éclate aux États-Unis en 2015, pour la comprendre il faut revenir en Europe au début des années 2000.
A l’époque, Audi (groupe Volkswagen) développe les premiers moteurs diesels à injection directe (moteur 3 litres diesel). Parallèlement, la marque développe une série de véhicules diesels haut-de-gamme. Or, les moteurs diesels mono-injection vibrent beaucoup plus que les moteurs essences et le cahier des charges de ces luxueuses berlines ne le tolère pas. Les ingénieurs allemands finissent par trouver une solution à ce problème de vibration : la post-injection. C’est à dire, grossièrement, au lieu d’une seule injection dans le cylindre causant une explosion trop vibratoire, on procède à de multiple petites injections dans le cylindre avant l’explosion ce qui réduit fortement les vibrations. Problème : la multiplication des injections multiplie d’autant les émissions de polluants et la voiture ne passait alors plus aucun test d’homologation.
C’est alors que les ingénieurs d’Audi trouvèrent à nouveau une « solution » qui fera date : ils dotent l’ordinateur de bord de deux programmes, un programme pour la conduite en condition réelle et un programme pour le banc d’homologation.
Le banc d’homologation est le tapis roulant sur lequel les véhicules sont testés. Sur le banc, les voiture sont parfaitement à l’horizontale, seules les roues motrices sont entraînées par le tapis et le volant est à midi pile. C’est à dire un ensemble de conditions que ne rencontre jamais un véhicule dans la vie courante. L’ordinateur est donc programmé pour reconnaître les situations de banc d’essai et il déclenche alors la mono-injection, moins polluante et plus vibrante. La voiture passe ainsi le test d’homologation et entre sur le marché. Une fois entre les mains de son heureux (puisque riche) propriétaire, il suffira que ce dernier tourne le volant pour que la voiture se reprogramme en post-injection tellement plus confortable pour la conduite de notre délicat cadre de l’industrie de la chimie.
Le crime originel du trucage systématisé des moteurs diesels venait d’être commis, au profit du confort de quelques conducteurs.
Retour au États-Unis dans ce climat de grande concurrence et de course à qui réussira à conquérir ce nouveau marché en premier. Malgré les filtres à particules et les systèmes de traitements des NOx, les constructeurs peinent à passer les tests plus stricts outre-Atlantique. Sous pression, Volkswagen décide donc d’utiliser la fonction « double programme » développée par Audi sur les moteurs destinées au marché américain mais aussi européen. Car si « seulement » 700 000 véhicules truqués pénètrent en Amérique du Nord, c’est officiellement 11 millions de ces voitures qui seront produites à travers le monde, majoritairement à destination du marché européen.
C’est en 2014, suite à une étude de l’ONG International Council on Clean Transportation en partenariat avec l’université de Virginie Occidentale, que le pot-aux-roses est révélé. L’étude consistait simplement à analyser les rejets de plusieurs véhicules diesels en conditions réelles, sur des parcours comprenant des accélérations, des franchissements de côtes, des routes accidentées…
Quelle ne fut pas la surprise des scientifiques de découvrir que certains véhicules ne dépassaient pas de 2, ni 3 ou 4 mais bien de 22 fois la norme européenne en matière de rejet de NOx (soit 44 fois la norme états-unienne).
Après ces premières découvertes, des tests plus poussés furent effectués sur un plus large spectre d’automobiles. Pour en résumer les conclusions, disons ceci : aucune des données issues des bancs de tests pour des véhicules équipés d’ordinateurs de bord « sophistiqué » (en gros, depuis 2009) n’ont passé le test du réel. Émissions de NOx, de CO₂, de particules, consommation de carburant et même performance des véhicules, toutes ces données ce sont avérées être, en conditions réelles, bien au-delà de ce que les constructeurs prétendaient. Et ce, parfois dans des proportions vertigineuses, jetant par la même la suspicion sur l’ensemble des véhicules diesels à injection directe, toutes marques confondues, vendus depuis plus d’une décennies, soit 40 millions d’automobiles.
Moralité :
1 – Les constructeurs n’ont pas de moralité.
2 – Les vieilles bagnoles polluent, certes. Mais elles ont l’élégance de l’admettre. Et en plus, on peut les réparer, elles.
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- Propriétaire des marques Scania, Ducati, JETTA, MAN, Audi, Volkswagen, Skoda, Porsche, Bentley, Bugatti, Cupra, Seat et Lamborghini ↩︎
- Le NOx (oxydes d’azote) est un composé d’azote et d’oxygène. 40 fois plus toxique que le monoxyde de carbone, il irrite les bronches, réduit l’oxygénation du sang, provoque des crises d’asthme, irrite les yeux… ↩︎